Refus de relations sexuelles et divorce : la France condamnée par la CEDH
- Aurélie Voisin
- 3 avr.
- 3 min de lecture

Le 23 janvier 2025, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour une décision de justice qui avait attribué la faute du divorce à une femme en raison de son refus d’avoir des relations sexuelles avec son mari. Cette affaire soulève des questions essentielles sur le respect de la vie privée et la liberté des époux au sein du mariage.
Dans cette affaire, un couple français s’était marié en 2010. Après plusieurs années, la femme a progressivement cessé d’avoir des relations intimes avec son époux. En 2018, celui-ci a demandé le divorce pour faute, arguant que ce refus constituait une violation des devoirs conjugaux. Les juridictions françaises lui ont donné raison, considérant que cette abstinence prolongée constituait une faute dans le cadre du mariage.
L'épouse, contestant cette décision, a saisi la CEDH, estimant que le jugement porté contre elle portait atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La décision de la CEDH : une reconnaissance du droit au refus
La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la condamnation de cette femme pour refus de relations sexuelles constituait une violation de ses droits fondamentaux.
La Cour a souligné plusieurs points essentiels :
Le consentement au mariage n’implique pas une obligation perpétuelle d’avoir des relations sexuelles. Chaque individu conserve son autonomie corporelle et le droit de refuser un rapport, même dans le cadre du mariage.
Les juridictions françaises ont méconnu le droit au respect de la vie privée et familiale. En sanctionnant l’épouse, elles ont imposé une contrainte injustifiée sur sa liberté personnelle.
Une conception moderne des devoirs conjugaux. La CEDH rappelle que le mariage ne peut être assimilé à un « contrat d’obligation sexuelle », mais repose sur le consentement mutuel à chaque instant.
Cette décision marque une évolution importante dans la reconnaissance des droits individuels au sein du couple.
Quelles conséquences pour le droit français ?
Cette condamnation pourrait avoir un impact significatif sur la jurisprudence française en matière de divorce :
Une redéfinition des « devoirs conjugaux » : Traditionnellement, l’article 212 du Code civil impose aux époux « respect, fidélité, secours et assistance ». Cette affaire pourrait amener les juges à interpréter ces obligations d’une manière plus conforme aux droits fondamentaux.
Une évolution du divorce pour faute : Jusqu’à présent, le refus de relations sexuelles pouvait être retenu comme un motif de divorce pour faute. Désormais, les juges devront s’assurer qu’une telle qualification ne porte pas atteinte aux libertés individuelles.
Un renforcement de la protection des droits individuels : Cette décision confirme que la vie intime d’un individu ne peut être régie par des obligations légales imposées par l’État ou le conjoint.
Conclusion
La condamnation de la France par la CEDH marque une avancée majeure en matière de respect de la vie privée et des droits des époux.
Elle rappelle que le mariage est fondé sur le libre consentement et que ce dernier peut être retiré à tout moment, y compris sur le plan intime. Cette décision pourrait conduire à une évolution du droit du divorce en France, en mettant davantage l’accent sur la liberté individuelle et le respect du consentement dans le couple.
Une question demeure : cette jurisprudence entraînera-t-elle une nouvelle réforme du droit du divorce
?
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