C'est l'heure des vacances: un point sur les règles en matière de publication des photos des enfants sur internet
- Me Aurélie VOISIN
- 24 juil. 2018
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 mars

A la plage, à la piscine, à poney...les parents partagent aujourd'hui les aventures de leurs enfants sur les réseaux sociaux, mais quid de la publication des photos de l'enfant mineur d'un couple séparé: entre accord et désaccord.
Publier des photographies de son enfant sur les réseaux sociaux ne relève pas d'un acte usuel de la vie courante de sorte que cela nécessite l'accord préalable des deux parents.
La difficulté se pose donc principalement pour les couples séparés, dès lors que l'un des parents publie des photographies de l'enfant sans avoir consulté l'autre parent.
La jurisprudence a du répondre à ce phénomène appelé "sharenting"
Ainsi, la Cour d'Appel de Paris, dans un arrêt du 9 février 2017 (1) a accueilli favorablement la demande d'une mère sollicitant que le père cesse de publier sur Facebook des photos de leurs enfants, âgés de 9 et 6 ans, sans son accord, au terme d'un dispositif selon lequel, elle "interdit à chacun des parents de diffuser des photographies des enfants sur tous supports sans l'accord de l'autre parent".
Elle motive cette décision en rappelant les règles de l'exercice conjoint de l'autorité parentale "qui nécessite l'accord des deux parents concernant les décisions à prendre dans l'intérêt de l'enfant", au visa de l'article 371-1 du Code Civil.
Les règles de coparentalité distinguent les actes usuels de la vie courante pour lesquels l'accord préalable de l'autre parent est présumé et les actes non usuels où la concertation et l'accord préalable s'imposent.
Ainsi, en érigeant la publication d'une photographie de son enfant sur les réseaux sociaux au titre des actes non usuels de la vie courante, la Cour d'Appel de PARIS a voulu donner une importance particulière à cette pratique pourtant banalisée, sans doute avec la volonté d'attirer l'attention des parents sur les dérives possibles et de protéger ainsi les enfants.
Pratiquement, comment agir si l'autre parent persiste à poster des photos de son enfant sans notre accord?
La démarche première est naturellement de communiquer entre parents en plaçant l'intérêt de son enfant au cœur de la discussion. Bien souvent, le conflit conjugal ne permet pas un dialogue parental serein. Il convient alors d'adresser une demande écrite à l'autre parent lui demandant de retirer les photographies de l'enfant.
En cas d'inaction, il est désormais possible de saisir le Juge aux Affaires Familiales aux fins de solliciter la cessation de toute publication de photographies de son enfant sans son accord préalable, ainsi que la suppression de celles déjà diffusées, au besoin sous astreinte.
Toutefois, la Cour de Cassation n'ayant pas encore eu à se positionner sur le sujet, on peut constater des divergences de positions jurisprudentielles.
Si la Cour d'Appel de Versailles avait précédé la Cour d'Appel de PARIS dans un arrêt du 25 juin 2015 (2) en se prononçant dans le sens de la suppression des publications de photographies de l'enfant, rappelant que cela ne constitue pas un acte usuel et nécessite donc l'accord des deux parents, au contraire la Cour d'Appel de Bordeaux avait tranché dans le sens contraire.
Dans un arrêt du 4 janvier 2011 (3), les magistrats bordelais ont considéré que "les photographies de l'enfant s'inscrivent dans le cadre de communication personnelle entre amis (photos d'anniversaire de l'enfant en espèce)".
La distinction résulterait donc de la configuration des règles de confidentialité de son compte Facebook, Instagram etc...
Dès lors que les publications des photographies ne seraient accessibles qu'à ses "amis", les magistrats bordelais retiennent que l'accord de l'autre parent n'est pas requis. Tout au contraire, une diffusion publique entrerait dans le champ de l'acte non usuel.
Avis donc aux parents! Afin de préserver vos enfants et d'éviter un contentieux avec l'autre parent, mieux vaut se mettre d'accord sur le sujet avant toute diffusion, vous n'en passerez que de meilleures vacances.
Aurélie VOISIN
(1) Cour d'Appel de Paris, Pôle 3 Chambre 4, 9 février 2017, n°15/13956
(2) Cour d'Appel de Versailles, 2ème ch. Sect.1, 25 juin 2015, n°13/08349
(3) Cour d'Appel de Bordeaux, 4 janvier 2011, n°09/00788
Comments